Journée d'études

Des expériences concrètes de dialogue interreligieux dans le monde méditerranéen

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PISAI

 Troisième journée d’études du cycle de débats autour de l’exposition Lieux Saints Partagés

Pour la troisième journée d’étude du cycle de rencontres autour de l’exposition Lieux Saints Partagés (Villa Médicis 09.10.2025 - 19.01.2026) nous vous proposons une journée de réflexions et de témoignages autour du sujet des expériences concrètes de dialogue interreligieux dans le monde méditerranéen à travers les contributions d’acteurs universitaires et de terrain. Cette journée à l’Institut Pontifical d’études Arabes et d’Islamologie - PISAI est l’occasion de réunir deux initiatives qui développent des recherches dans le cadre du bassin Méditerranéen; l’exposition Lieux Saints Partagés et la Chaire Universitaire Mediterannée Religions et sociétés portée conjointement par le PISAI et le Centre Saint-Louis, pour laquelle la journée fait partie de son programme académique de l’année 2025-2026.

La troisième journée d’étude du cycle sur les « Lieux saints partagés » propose de croiser des regards académiques sur des expériences concrètes de dialogue interreligieux en Méditerranée. Au regard de l’émergence récente de la notion même de « dialogue interreligieux » il y a seulement quelques décennies, les cas présentés concerneront principalement la période contemporaine (20 et 21e siècles), avec de possibles approfondissements historiques.Historiens, anthropologues, sociologues, islamologues ou théologiens, les intervenants se focaliseront particulièrement sur deux types de phénomènes : D’une part, des situations de rencontres et d’interactions interreligieuses vécues de façon interpersonnelle, spontanée et non organisée, dans le cours de la vie quotidienne ou dans l’exceptionnalité d’événements, comme des pèlerinages par exemple. Ce type de contact et de mixité relèvent d’une logique organique, souvent individuelle, parfois hétérodoxe, en tout cas souvent silencieuse, peu visible et rarement mise en valeur. D’autre part, il sera question de temps de partage interreligieux organisés en tant que tel, dans une logique revendiquée de dialogue. Qu’elle comporte ou non un échange entre spécialistes du religieux, ou bien une séquence de prière en commun, la rencontre est alors orchestrée, ritualisée et valorisée à cette fin. Ces deux modalités d’analyse des interactions interreligieuses sont à la fois distinctes et complémentaires. Seront ainsi présentées et discutées des situations et des expérimentations vécues et étudiées dans différents contextes à l’échelle de la Méditerranée, que ce soit en Italie, en Turquie, au Maroc, en Égypte, en Syrie, en Grèce ou en Terre sainte…

Avec Mustafa Cenap Aydin, Sr Carol Cooke-Eid, Mariangela Laviano,  P. Claudio Monge, Abdellah Ouzitane et Mohamed - Sghir Janjar.

Comité scientifique: Dionigi Albera (CNRS), Raphaël Bories (Mucem), Albane Cogné (EFR), Manoël Pénicaud (CNRS - Centre Jacques Berque)

Informations Pratiques 

Date et horaire: Vendredi 12 décembre à partir de 10h30

Lieu: Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica – PISAI, viale di Trastevere, 89 

Langue: les interventions seront en français 

Entrée libre

 Le Programme

Les intervenants 

   La rencontre au quotidien : Témoignages concrets de dialogue en actes

  • Fr. Dt. Claudio Monge o.p. (DoSt-I - Dominican Study - Institute), Dialogue interreligieux : la rencontre qui se fait théologie

«Souvent, l’essence du dialogue interreligieux ne réside pas dans les colloques savants ou les déclarations officielles, mais dans la trame discrète de l’existence. Il puise sa vitalité la plus profonde dans ces rencontres imprévues, ces interactions spontanées et non organisées qui surviennent au gré du quotidien ou dans l’intensité d’événements exceptionnels. Ces moments révèlent une vérité fondamentale : le cœur du dialogue entre croyants bat moins au rythme des doctrines et des credo proclamés, qu’il ne pulse autour d’un engagement partagé pour le soin de l’être humain et la responsabilité inconditionnelle de sa défense. Cette priorité donnée à l’humain constitue le socle sur lequel un véritable échange peut s’édifier. Celui-ci ne devient possible qu’à la condition sine qua non de reconnaître une consistance à son interlocuteur. Cela implique de prendre au sérieux son parcours spirituel et d’honorer sa quête d’Absolu, non comme une erreur à corriger, mais comme une démarche légitime et respectable. Il s’agit de voir la personne avant de voir la croyance, et d’accueillir la sincérité de sa recherche avant d’en analyser les formes. Ainsi, le dialogue véritable est celui qui donne chair à la foi. Il transcende le domaine des idées pures pour s’incarner dans une présence et une relation concrètes. Cette incarnation trouve son expression la plus aboutie dans la notion de fraternité. Distincte de la simple solidarité – qui peut n’être qu’un pacte d’intérêts ou une compassion distante –, la fraternité est une reconnaissance mutuelle et existentielle. Elle est cette qualité de lien qui permet à des égaux, dans leur dignité fondamentale, de se rencontrer non pas en dépit de leurs différences, mais à travers elles. La fraternité authentique ne cherche pas à gommer les particularités pour créer une uniformité tiède. Au contraire, elle offre un espace relationnel où des personnes différentes et uniques peuvent affirmer leur identité singulière tout en étant profondément en lien.»

Claudio Monge est un théologien italien, de l’Ordre des frères Prêcheurs, il est docteur en Théologie Fondamentale, spécialité Théologie des religions et diplômé en master de langue et civilisation turco-ottomane. Il est directeur de l’Institut dominicain Dost-I à Istanbul, où il vit depuis 24 ans. Il est membre du groupe «Théologie en dialogue», membre du réseau interdisciplinaire de recherche autour du dialogue en Méditerranée et parmi les signataires du Manifeste pour une théologie de la Méditerranée (2023) ; dans le Comité de Coordination de la plateforme universitaire de recherche sur l’islam, PLURIEL, comme représentant de l’IDEO du Caire (2024). Parmi ses publications les plus récentes : Per una Teologia dell’ospitalità. Viaggio nelle tre religioni abramitiche alle radici di una spiritualità dell’accoglienza, Terra Santa, Mi, 2024 ; avec Giuseppina De Simone, La misura mediterranea dell’umano, coll. Arca, Roma, Castelvecchi, 2024 ; Strangers with God. A theology of Hospitality in the Three Abrahamic Religions, ATF Press, Adelaide, 2024.

 

  • Mariangela Laviano (PISAI), La dimension spirituelle d’une théologie interreligieuse méditerranéenne. Le cas du monastère de “Notre Dame de l’Atlas” à Midelt (Maroc).

«Est-il possible aujourd’hui de mettre en évidence une dimension mystique et spirituelle du dialogue islamo-chrétien en Méditerranée ? Cette présentation propose d’aborder cette question à partir de la rencontre entre, d’une part, le soufisme — considéré dans la théologie islamique comme le « cœur de l’islam » — et, d’autre part, la vie monastique chrétienne, qui offre une voie où la prière, le témoignage et l’hospitalité réciproque rendent possible un dialogue authentique sous le regard du Dieu unique. L’analyse portera en particulier sur la forme de dialogue vécue et incarnée par les moines du monastère de Midelt, dans la continuité spirituelle et fraternelle des moines de Tibhirine (Algérie). Leur approche peut être résumée par l’expression : « des priants parmi d’autres priants », soulignant ainsi une relation fondée moins sur la confrontation doctrinale que sur la reconnaissance mutuelle d’une quête spirituelle partagée.»

Mariangela Laviano est professeure invitée de langue arabe et d’islamologie à l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI) à Rome. Elle enseigne également l’arabe classique à l’Université pontificale du Latran (PUL, Rome) et propose un cours sur le dialogue islamo-chrétien à l’Institut théologique « Leoniano » d’Anagni. La recherche de Mariangela Laviano porte principalement sur l’exégèse coranique moderne et contemporaine, les études de genre ainsi que les relations interreligieuses en Méditerranée, avec une attention particulière pour le Maroc, pays où elle a longtemps vécu. Elle est membre de la plateforme Pluriel et collabore depuis 2018 avec l’Institut catholique de la Méditerranée à Marseille, participant au séminaire « Maison de la Sagesse ». Depuis 2023, elle coopère également avec le Réseau de théologie méditerranéenne (RTmed), dont elle est directrice du laboratoire « Théologie pour les relations avec l’islam ». Également, elle est membre du comité de rédaction de la revue du PISAI, Études arabes, à laquelle contribue régulièrement.
 

  • Sr Carol Cooke-Eid (Communauté de Deir Mar Moussa al-Habachi), Mar Moussa : là où le dialogue devient vie partagée

«L’intervention présente l’expérience unique de la communauté monastique de Mar Moussa, fondée sur l’appel reçu par le père Paolo Dall’Oglio : aimer l’islam et les musulmans au nom du Christ. À travers trois piliers – l’hospitalité inconditionnelle, la prière comme espace partagé d’intériorité, et le travail manuel comme coopération pour le bien commun – Mar Moussa devient un lieu de rencontre où chrétiens et musulmans apprennent à se connaître et à vivre ensemble en harmonie.Le monastère se veut un laboratoire vivant de fraternité, dans un contexte marqué par la peur, les traumatismes de la guerre et les replis identitaires. Les initiatives de réconciliation lancées par la communauté avec des amis de toutes les appartenances sociales et religieuses montrent comment reconstruire un tissu social fragmenté pour rendre possible un avenir commun. L’expérience de Mar Moussa montre qu’une paix durable naît de coeurs ouverts et de relations authentiques.»

Carol Cooke-Eid née en 1966, libanaise et allemande, est moniale de la communauté de Deir Mar Moussa al-Habachi (Syrie), dédiée au dialogue et à la construction de l’harmonie islamo- chrétienne. Juriste et psychologue de formation, elle a fait des études de théologie, puis a obtenu un doctorat en études arabes et en islamologie auprès du Pisai où elle a enseigné pendant quelques années. En 2019, le prix de la Pax-Bank et de la Fondation Georges Anawati lui est décerné à Berlin pour son engagement dans le dialogue interculturel et interreligieux entre chrétiens et musulmans.​

 Le dialogue interreligieux comme vecteur et moyen d’action 

  • Mohamed - Sghir Janjar (Académie royale du Maroc), Réflexions sur une expérience maghrébine de dialogue interreligieux : le cas du GRIC

«Le premier noyau du Groupe de Recherche Islamo-Chrétien (GRIC) émergea au cours des années 1976-1977, sur la rive sud de la Méditerranée, à l’initiative d’un cercle d’amis chrétiens et musulmans désireux de donner une assise plus réfléchie et durable à leurs échanges intellectuels. Leur ambition était d’inscrire ces rencontres dans un cadre explicitement consacré au dialogue islamo-chrétien, en alliant exigence intellectuelle, ouverture spirituelle et relations personnelles de confiance. Ce n’est qu’au début des années 1980 que cette initiative prit une forme institutionnelle, donnant naissance à un collectif international structuré et doté de groupes locaux à Paris, Alger, Tunis et Rabat. Parmi les différentes entreprises de dialogue interreligieux menées au Maghreb, l’expérience du GRIC se distingue par sa longévité et par la constance avec laquelle elle a su rester fidèle à l’esprit fondateur : celui d’un dialogue fondé sur la clarté des positions, l’amitié, la fraternité, la foi et le partage du savoir. Ayant rejoint le GRIC à la fin des années 1990, dans ce que l’on pourrait appeler la « seconde génération » de ses membres, je me propose, dans cette communication, d’examiner les formes de dissymétrie qui ont marqué la vision, l’engagement et la contribution des deux parties à la dynamique du dialogue. L’analyse de ces asymétries apporte un éclairage utile sur les conditions de possibilité, les limites et les transformations d’une telle expérience de rencontre interreligieuse dans le contexte maghrébin.»

Mohamed - Sghir Janjar est chercheur en sciences sociales, membre de l’Académie du Royaume du Maroc ainsi que du Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique, il a occupé, de 1995 à 2024, le poste de directeur-adjoint de la Fondation du Roi Abdul-Aziz pour les Études Islamiques et les Sciences Humaines à Casablanca. Il a assuré la direction éditoriale de plusieurs revues académiques, parmi lesquelles Études Maghrébines et Prologues, et piloté diverses collections scientifiques : « Traductions » aux Éditions de la Fondation, « Débats philosophiques » aux Éditions Le Fennec, ou encore «Religion et Société » aux Éditions Prologues. Ses travaux de recherche ont porté sur un large éventail de problématiques, notamment les rapports entre religion et culture dans le contexte arabe contemporain, les formes d’expression des sociétés civiles et des mouvements sociaux, ainsi que les dynamiques éditoriales, la traduction et la structuration des champs de savoir au Maghreb. Il est l’auteur, le traducteur ou le contributeur de nombreux ouvrages collectifs, et participe activement depuis 1999 aux initiatives de dialogue interreligieux, au sein du Groupe de Recherche Islamo-Chrétien (GRIC), de l’Institut œcuménique de Théologie Al-Mowafaqa (Rabat) et du Collège des Bernardins (Paris).

 

  • Abdellah Ouzitane (Centre d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc), Les clubs de coexistence, pour une éducation à l’altérité et à la diversité 

«L’émergence des écoliers de la paix ainsi que la mise en œuvre des clubs de coexistence dans la diversité constituent une véritable manifestation d’un ensemble de valeurs universelles qui contribuent à l’éducation à l’altérité et à la diversité dans un contexte mondial caractérisé par le pluralisme. Les enjeux de cette démarche s’articulent principalement autour des normes sociales et morales, le pluralisme, l’éducation, les enjeux sociétaux et la citoyenneté. A travers une vision transversale des enjeux culturels, le développement de cette expérience singulière à la fois pédagogique et inclusive, entend contribuer au renforcement d’une politique culturelle pluridisciplinaire, ouverte sur le monde et accessible par tous et pour tous. Le Centre d’études et de recherches sur la culture et le droit hébraïques au Maroc, la Maison Maroc pour la paix, la Fondation Konrad Adenauer - Maroc, l’Association Essaouira Mogador et Bayt Dakira sont les principaux partenaires ayant contribué à la mise en œuvre de cette expérience singulière.»

Abdellah Ouzitane est président fondateur du centre d’études et de recherches sur la culture et le droit hébraïques au Maroc, président exécutif de la Maison Maroc pour la paix, membre fondateur de l’Institut avancé des études stratégiques INSANIA « Les Humanités » en Sciences humaines et sociales et sciences politiques, membre fondateur de l’Université culturelle Essaouira - Tetouan, etc… Abdellah Ouzitane est également conférencier en géopolitique du proche orient, expert sur des questions liées au dialogue des cultures et des religions. À ce titre, il a organisé et participé à de grands événements nationaux et internationaux (Canada, Mexique, Espagne, Vatican, Italie, Israël, etc.) Il a été reçu par des chefs d’État et par plusieurs personnalités notamment le pape François au Saint Siège.

 

  •  Mustafa Cenap Aydin (Istituto Tevere), Protone : Lieux de culte partagés et collaboration interreligieuse pour la protection du patrimoine sacré et la cohésion sociale en Europe

«Cette intervention présente l’exprience du projet Protone, une initiative européenne de collaboration interreligieuse visant à protéger les lieux de culte contre les crimes de haine et la radicalisation, tout en renforçant la cohésion sociale. À travers des visites réciproques et des ateliers interreligieux, le projet a transformé les lieux de culte en espaces partagés entre différentes communautés religieuses, créant ainsi des liens de solidarité et de confiance mutuelle au sein des sociétés européennes. L’analyse portera sur la dimension publique des religions lorsqu’elles ouvrent leurs espaces sacrés au dialogue, ainsi que sur les dynamiques de collaboration concrète qui émergent de ces initiatives interreligieuses organisées. Cette expérience illustre comment le dialogue interreligieux structuré peut générer non seulement une compréhension mutuelle, mais aussi un engagement commun pour la protection du patrimoine religieux, la cohésion sociale et la coexistence pacifique en Méditerranée et en Europe.»

Mustafa Cenap Aydin, est cofondateur et directeur de l’Istituto Tevere, un centre d’études interreligieuses à Rome. Il est également vice-secrétaire général de l’Institut International Jacques Maritain, membre du conseil national de Religions pour la Paix Italie, et membre du comité exécutif de Scholas Occurrentes. Spécialisé en sociologie des religions et en dialogue interreligieux, il a coordonné plusieurs projets européens sur la cohésion sociale et la lutte contre les discours de haine, dont le projet Protone. Il enseigne dans des universités pontificales à Rome et intervient régulièrement comme expert dans les initiatives de dialogue islamo-chrétien.